Marc Bonnant n’est pas un orateur d’exception. Ce serait trop réducteur. Il est simplement un esthète. Le dernier représentant d’une vieille ambition qu’on croyait éteinte : le souci du beau. Bonnant est habité par une coquetterie de la forme qui nous fait oublier l’espace d’un instant que l’art pour l’art n’est pas mort, que le beau existe et qu’il peut s’extraire de la glaise du réel. Maitre Bonnant donne forme à la matière oratoire en puisant dans les entrailles de la littérature. Eschyle, Sophocle, Stendal, Hugo, Voltaire. Les locutions des aïeux résonnent comme jamais dans les murs de son auditoire. Il est de ceux qui, à l’instar de Jacques Verges, pensent que les secrets de la plaidoirie ne se cachent pas dans les textes de jurisprudence, mais dans ceux de la littérature. Ils ne se trouvent pas dans l’apprêté des arrêtés, mais dans les aventures tumultueuses – parfois heures et souvent malheureuses – des âmes humaines. Le procès est une tragédie grecque, un drame en quelques actes mettant en scène errances et affres des âmes. De cette tragédie, l’avocat en est l’acteur. Un acteur ayant depuis longtemps délaissé la compréhension du divin pour nous faire pénétrer davantage dans le secret de l’humain. Presque dans un réflexe kantien, Bonnant élève ses idiotismes au rang de maxime. Son usage délicieusement suranné du subjonctif plus-que-parfait parfait cette volonté de transcendance. La rareté des interventions de Marc Bonnant ne font que plus exquises ces quelques archives que je vous ai listées ci-dessous: